La datation absolue

Dans la première partie de notre hors-série sur la datation de l’histoire de la vie sur Terre, nous avons exploré deux méthodes principales : la datation relative, basée sur l’ordre des couches du sol, et la datation radiométrique (ou datation absolue), qui utilise la radioactivité des isotopes instables. Nous avons également abordé les principes de la stratigraphie et expliqué les concepts d’isotopes et de demi-vie. L’uranium s’est révélé être un élément clé, avec deux méthodes spécifiques (uranium-thorium et uranium-plomb) expliquées.

Avant de reprendre là où nous nous étions arrêtés, quelques rappels rapides pour que vous ne vous sentiez pas désorienté.

La datation relative

En géologie, méthode permettant d’ordonner chronologiquement des événements en se basant sur des principes géologiques et l’étude des fossiles, sans fournir de dates précises.

La stratigraphie

Offre la base contextuelle nécessaire à la datation relative en étudiant la disposition, l’âge relatif, et l’histoire des différentes strates dans la croûte terrestre.

Les strates

Couches superposées de roches ou de sédiments qui se forment progressivement au cours du temps géologique.

La datation absolue

Méthode scientifique visant à déterminer de manière quantitative l’âge précis d’un objet ou d’un événement en utilisant diverses techniques, telles que la radiométrie, qui englobe la datation au carbone et à l’uranium.

« Quantitative » se réfère à une mesure numérique ou à un chiffre précis, tandis que « qualitative » implique des indications plus générales, telles que « plus vieux » ou « plus récent”

La radioactivité

Désintégration spontanée d’atomes instables, émettant des particules ou des rayonnements, avec des applications naturelles et artificielles, ainsi que des implications pour la santé. C’est avant tout un phénomène naturel présent dans tout ce qui nous entoure.

La demi-vie (d’un élément radioactif)

Temps nécessaire pour que la moitié de la quantité initiale de cet élément se désintègre, comme illustré dans l’utilisation du carbone 14 en datation, où cette propriété permet d’estimer l’âge d’objets archéologiques.

Un atome

Il s’agit de la plus petite unité de la matière, composée d’un noyau central de protons et de neutrons entouré d’électrons. Son rôle principal est de former des molécules par des liaisons chimiques, contribuant ainsi à la diversité des substances présentes dans l’univers.

Une molécule

Groupe d’atomes liés chimiquement ensemble.

Les isotopes

Variantes d’atomes d’un même élément, caractérisées par un nombre de neutrons différent, tout en conservant le même nombre de protons et d’électrons.

Un ion

Un atome, ou un groupe d’atomes, ayant perdu ou gagné un ou plusieurs électrons.

Le numéro atomique (d’un élément chimique)

Correspond au nombre de protons présents dans le noyau de ses atomes. Il détermine ainsi la place d’un élément dans la classification périodique des éléments.

Exemple : L’hydrogène a 1 proton dans son noyau. Son numéro atomique est donc 1. L’élément possède 3 isotopes naturels principaux : Protium (H-1), Deutérium (H-2), et Tritium (H-3), le seul isotope des trois à être radioactif.

Outre la radiométrie, la géochronologie fait appel à une autre méthode fondée sur des principes différents : la spectrométrie de masse. Alors que la datation au carbone-14 est fréquemment utilisée pour des échantillons organiques relativement récents, la spectrométrie de masse peut être privilégiée pour des objets plus anciens, offrant une résolution plus précise dans certaines circonstances.

Plongeons dans le passé, si vous le voulez bien. La découverte des électrons en 1899 a révolutionné la physique du XXe siècle, ouvrant la voie à une meilleure compréhension de la structure atomique. C’est dans ce contexte que Sir Joseph John Thomson, lauréat du prix Nobel en 1906, a conçu en 1910 le tout premier appareil pour analyser la composition isotopique des éléments, qu’il baptisait alors le spectrographe de parabole.

Joseph John Thomson (1856-1940)
1661 Découverte des cellules par Robert Hooke
1803 John Dalton théorise l’existence des atomes
1897 Découverte des électrons par Joseph John Thomson
1906 Jean Perrin démontre définitivement que la matière est constituée d’atomes
1911 Découverte du noyau atomique par Ernest Rutherford, Hans Geiger et leur étudiant Ernest Marsden
1919 Découverte des protons par Rutherford
1932 Découverte des neutrons par James Chadwick

…c’est quoi ?

Quel est précisément l’objectif de cet appareil ? En une ligne : mesurer la masse des molécules. Lorsque cet instrument est utilisé, il modifie la charge électrique des molécules, les transformant en ions, puis les accélère à travers un champ magnétique. Ce champ magnétique permet de séparer ces ions en fonction de leur masse et de leur charge. Cette séparation fournit un spectre indiquant les différentes masses moléculaires présentes dans l’échantillon. En analysant ce spectre, on peut précisément mesurer la proportion des isotopes présents. Cette information alimente ainsi le processus de datation radiométrique, permettant ainsi d’estimer de manière fiable l’âge des roches et des fossiles.

L’un des tout premier spectromètre de masse dit Calutron

Plus d’un demi-siècle plus tard, la spectrométrie de masse par accélérateur (SMA) a été développée. Grâce à un accélérateur plus puissant, cette méthode a significativement amélioré la sensibilité de détection et la précision des mesures. Contrairement au spectromètre de masse conventionnel qui utilise un champ magnétique ou électrique pour trier les ions, le SMA intègre un accélérateur linéaire ou cyclotron.

Cette évolution accroît la sensibilité, permettant des mesures sur des échantillons minuscules. Elle se montre particulièrement efficace dans la datation radiocarbone, où mille fois moins de matière est nécessaire par rapport à la méthode traditionnelle de comptage des désintégrations.

Le cycle du carbone-14
  1. Formation : Le carbone 14 se forme dans la haute atmosphère à partir d’azote sous l’impact de rayons cosmiques.
  2. Incorporation : Les organismes vivants assimilent le carbone 14 sous forme de CO2 par respiration et alimentation.
  3. Arrêt et Désintégration : L’assimilation cesse à la mort, et le carbone 14 subit une désintégration radioactive régulière.
Le spectromètre de masse par accélérateur ASTER

Un cyclotron, inventé par Ernest O. Lawrence en 1929, est un type d’accélérateur de particules. Son rôle principal consiste à augmenter la vitesse de particules chargées, telles que des ions, en les propulsant à travers un champ magnétique puissant. De plus, en les accélérant et en les faisant interagir avec une cible appropriée, le cyclotron peut déclencher des réactions nucléaires conduisant à la création d’isotopes instables spécifiques.

Certains humains peuvent dépasser le siècle d’existence, mais il existe sur notre planète des êtres vivants bien plus anciens. Parmi les espèces animales, le requin du Groenland pourrait par exemple vivre plus de 400 ans. Toujours dans les eaux du Groenland, la baleine boréale pourrait atteindre, quant à elle, une longévité de 200 ans.

Sur terre ferme, la tortue géante des Galápagos peut vraisemblablement vivre jusqu’à 200 ans. De manière encore plus étonnante, un petit mollusque de l’Atlantique Nord est devenu, en 2006, le nouveau champion de longévité, avec un âge estimé de 507 ans. Cependant, le « mathusalem » des organismes vivants (nonobstant la posidonie, une plante à fleurs sous-marine vieille de 80 000 à 200 000 ans), c’est bien l’arbre.

Requin du Groenland

Sachez également qu’il existe des espèces théoriquement immortelles. La Turritopsis nutricula, une méduse originaire de la mer des Caraïbes, se distingue par sa capacité à se régénérer, stoppant ainsi et inversant le processus de vieillissement.

Plus ancien que la plus ancienne des civilisations

Ils incarnent des vestiges ancestraux du monde. Les arbres sont des témoins millénaires de l’histoire du vivant qui ont traversé les âges, bravant les caprices changeants des climats, les maladies et les déforestations. Entre l’olivier de Roquebrune-Cap-Martin en France, âgé de 2 000 ans, et le Jomon Sugi, un cèdre du Japon estimé entre 2 000 et 7 000 ans, il est impossible de ne pas être saisi par leur résilience face à l’usure du temps.

Mathusalem

Aujourd’hui, le trio de tête est constitué par le Pin de Bristlecone de Californie, surnommé « Mathusalem », âgé de 4 955 ans, et l’antique Cyprès de Patagonie « Gran abuelo », potentiellement vieux de 5 400 ans. La première place revient au Pando de l’Utah, une forêt exceptionnelle composée de 47 000 peupliers faux-trembles génétiquement identiques, représentant par la même occasion le plus grand organisme vivant au monde.

« L’arbre, c’est le temps rendu visible »

– Paul Valéry

Mais alors comment déterminer l’âge d’un arbre ? La méthode classique consiste à compter les cernes du tronc. Chaque anneau de croissance, appelé cerne, correspond à une année de la vie de l’arbre.

La moindre subtilité de son existence s’exprime au sein de chaque cercle, à travers des variations d’orientation, de couleur, de largeur, de densité et de composition du bois. De cette manière, l’arbre nous offre son témoignage sur les conditions environnementales passées. Cette discipline dédiée à la datation des arbres est connue sous le nom de… dendrochronologie.

À vous de jouer !

Pour estimer l’âge d’un arbre chez vous, mesurez sa circonférence à 1,40 m du sol, divisez le résultat par Pi (3.1416) pour obtenir son diamètre, puis multipliez ce diamètre par un coefficient lié à la vitesse de croissance de l’espèce (1,5 pour une croissance rapide, 2 pour une croissance moyenne, 3 pour une croissance lente comme le chêne et le noyer).

La dendrochronologie, terme dérivé du grec avec « dendron » pour arbre, « chronos » pour temps, et « logos » pour étude, a pris forme au début du XXe siècle. Bien que Léonard de Vinci ait eu une intuition dès le XVIe siècle, c’est grâce aux travaux approfondis de l’astronome américain Andrew Ellicot Douglass que la corrélation entre les cernes des arbres et les variations climatiques a été pleinement investiguée.

Andrew Ellicot Douglass (1867-1962)

Pour une approche pratique, commençons par comprendre les composants d’un arbre. La partie centrale et sombre est le duramen, la zone plus claire est l’aubier. Il s’agit du jeune bois. Enveloppant cela, il y a l’écorce, qui assure la protection du cambium, une couche essentielle pour la croissance de l’arbre.

En observant de près, on peut discerner des cernes concentriques qui symbolisent chaque saison de croissance. Au début du printemps, le cambium produit le bois initial, identifiable par des lignes de gros diamètre, créant ainsi la portion plus sombre du cerne. À l’approche de l’automne, le bois final se forme, caractérisé par des vaisseaux de diamètre plus fin, constituant ainsi la partie plus claire du cerne.

Méthode d’échantillonnage

Que ce soit avec un arbre vivant ou la structure en bois d’un bâtiment, des prélèvements sont généralement réalisés à l’aide d’une tarière, un instrument qui permet d’extraire une carotte de bois tout en minimisant les dommages causés à l’objet. Cependant, pour les bois immergés dans l’eau, la méthode peut varier.

Dans certains cas, une scie à main peut être utilisée pour effectuer une coupe transversale d’une épaisseur minimale d’environ 3 centimètres, comme décrit. Cependant, il est également possible d’utiliser des carotteuses spécifiques conçues pour les conditions subaquatiques, permettant ainsi le prélèvement d’échantillons plus importants. Des chemins de mesure sont ensuite tracés à partir des échantillons, suivant les cernes du centre du tronc jusqu’à son extrémité. L’objectif est de minimiser le nombre d’anomalies tout au long de ces trajets.

Que ce soit avec un arbre vivant ou la structure en bois d’un bâtiment, des prélèvements sont généralement réalisés à l’aide d’une tarière, un instrument qui permet d’extraire une carotte de bois tout en minimisant les dommages causés à l’objet. Cependant, pour les bois immergés dans l’eau, la méthode peut varier.

Dans certains cas, une scie à main peut être utilisée pour effectuer une coupe transversale d’une épaisseur minimale d’environ 3 centimètres. Cependant, il est également possible d’utiliser des carotteuses spécifiques conçues pour les conditions subaquatiques, permettant ainsi le prélèvement d’échantillons plus importants.

Des chemins de mesure sont ensuite tracés à partir des échantillons, suivant les cernes du centre du tronc jusqu’à son extrémité. L’objectif est de minimiser le nombre d’anomalies tout au long de ces trajets.

L’essence même

Dans la seconde étape, il est essentiel de considérer l’essence de l’arbre, c’est-à-dire l’espèce ou le type d’arbre en question, déterminé par ses caractéristiques génétiques et botaniques. Tout comme chaque individu humain est unique en son genre, chaque espèce d’arbre possède des propriétés distinctes en matière de forme, de taille, de feuillage, de bois, et d’autres caractéristiques spécifiques. Pour vous donner un exemple, prenons le chêne et le pin qui sont deux arbres très différents. L’un est feuillu et l’autre résineux. Le chêne préfère les climats tempérés humides, avec des étés chauds et humides. Il apprécie les sols bien drainés. Le pin préfère les climats tempérés secs ou froids, avec des étés secs. Il apprécie également les sols bien drainés. Le genre hêtre compte entre 450 et 600 espèces, tandis que le genre pin en compte plus de 120.

La plupart d’entre nous ont eu l’occasion d’utiliser une boussole au moins une fois dans leur vie. Même des aventuriers légendaires tels que Nathan Drake ou Lara Croft en ont toujours une à portée de main. Cependant, avez-vous vraiment pris le temps de comprendre comment elle fonctionne ?

Vous le reconnaissez ?

Le fonctionnement de la boussole repose sur le champ magnétique terrestre. Au cœur de cet instrument, une aiguille mobile réagit de manière sensible à la magnétisation inhérente à notre planète, qui elle-même est un aimant géant. Elle possède deux pôles distincts, un pôle nord et un pôle sud.

Que vous soyez à Rio de Janeiro au Brésil ou à Copenhague au Danemark, l’aiguille de la boussole cherchera constamment à s’aligner avec la direction du pôle nord. Cette petite aiguille, constituée d’un aimant en acier, est polarisée, révélant ainsi sa nature ferromagnétique. Pour magnétiser cet aimant, il suffit d’aligner les domaines d’orientation magnétique à l’intérieur de l’objet de manière à les orienter tous dans la même direction.

Pour comprendre comment, revenons à la base du mouvement. Comme nous l’avons vu dans l’épisode précedent, une particule telle qu’un électron, un neutron ou un proton, possède une masse et une charge électrique. Cependant, en physique quantique, elles sont également appelées « quanton », et l’une de leurs propriétés internes importantes est le spin.

À l’échelle subatomique, les règles de la physique classique ne s’appliquent pas de la même manière. Alors que la Terre effectue un mouvement de rotation autour du soleil (mouvement extrinsèque) et tourne également sur elle-même (mouvement intrinsèque), les mouvements au niveau atomique sont bien plus complexes.

Pour vous dire, le spin n’a pas d’analogie directe dans notre expérience quotidienne, il décrit un phénomène encore aujourd’hui hors de notre portée. On peut tout de même l’utiliser mathématiquement et dire qu’il influence l’électron, qui fonctionnent d’ailleurs eux-même comme de minuscules aimants, dans un champ magnétique.

Pour une compréhension approfondie du spin, consultez la chaîne E-penser qui offre une explication claire et concise.

Ce que l’on sait également et qui sera important pour la suite, c’est que le spin des particules contribue à la magnétisation des matériaux ferromagnétiques. Ces derniers se divisent en régions où le moment magnétique des particules est aligné dans la même direction.

Le champ magnétique de la Terre

Le champ magnétique de la Terre a deux sources principales. D’abord, il y a un champ interne, créé par des courants électriques circulant dans le noyau externe liquide de la Terre, situé à 2900 km sous sa surface. Ce phénomène est attribué à un processus appelé « effet dynamo ». Ensuite, il y a un champ crustal (Du latin crusta « croûte »), provenant de roches aimantées dans la croûte terrestre. En plus de cela, le champ magnétique externe est généré par l’interaction du vent solaire avec l’ionosphère et la magnétosphère. Ces interactions provoquent des courants électriques qui varient en fonction des marées thermiques et de l’activité solaire.

En modifiant le comportement de ces spins, on peut influencer la magnétisation du matériau, ce qui impacte l’arrangement des domaines et les propriétés magnétiques générales du matériau. Par exemple, le fer, le nickel et le cobalt peuvent devenir fortement aimantés car leurs électrons adoptent une configuration spéciale autour du noyau lorsqu’un aimant est à proximité.

La chaleur perturbe l’alignement des spins magnétiques des atomes. Pour certains matériaux, cela peut entraîner une augmentation temporaire de l’intensité magnétique, tandis que pour d’autres, elle peut provoquer une perte de magnétisme ou une réduction de l’intensité magnétique.

Le ferromagnétisme, inventé en 1847 par le physicien allemand Wilhelm Eduard Weber, tire son nom de la combinaison des termes « fer » et « magnétisme ». Le mot « magnétisme » dérive du latin « magnes lapis », signifiant « pierre de Magnésie », lié à une ancienne région grecque. Cette référence s’applique spécifiquement à la magnétite, un minéral riche en oxyde de fer, ce qui en fait l’un des minéraux naturels les plus magnétiques au monde.

La magnétite se trouve dans divers types de roches, notamment certaines roches volcaniques telles que le basalte, mais aussi dans des roches magmatiques comme le gabbro et des dépôts métamorphiques (qui a été transformer par l’effet de la chaleur et de la pression) tels que le marbre. Elle est également présente dans les roches sédimentaires, enregistrant l’orientation du champ magnétique terrestre (CMT) lors de sa formation.

Champ magnétique terrestre mesuré par la sonde Swarm en juin 2014
Périodes géologiques

Cependant, les données du magnétomètre peuvent changer en raison de processus géologiques tels que la transformation des roches, les mouvements de la croûte terrestre ou les mouvements du noyau. En plus, le champ magnétique de la Terre n’est pas toujours constant. Il subit des variations et des inversions magnétiques, pendant lesquelles le nord magnétique devient le sud et vice versa.

L’inversion magnétique la plus récente, nommée Brunhes-Matuyama d’après les époques géologiques correspondantes et les chercheurs associés, remonte à environ 780 000 ans.

Suivre le bon pôle

Attention, le pôle nord géographique est le point le plus au nord de l’axe de rotation de la Terre, tandis que le pôle nord magnétique est le point vers lequel pointe l’aiguille d’une boussole en raison du champ magnétique terrestre. Il ne faut donc pas les confondre, car le premier peut changer de position, tandis que le second reste fixe en tant que sommet de l’axe de rotation de la Terre.

La définition des périodes géologiques est du ressort de l’International Commission on Stratigraphy.