Loin des images figées par Jules César dans La Guerre des Gaules ou par la caricature joyeuse d’Astérix, les Gaulois ne se résument ni à des guerriers moustachus ni à des huttes en torchis. Leur société révèle une organisation plus élaborée qu’on ne l’imagine souvent. Une architecture bien pensée, une orfèvrerie de qualité, des druides instruits, des formes de vie politique structurées : autant d’aspects qui bousculent les idées reçues. Partons à la découverte des facettes méconnues de la vie quotidienne des Gaulois.
Les Gaulois s’appelaient-ils eux-mêmes « Gaulois » ?
Non, les peuples que nous appelons aujourd’hui « Gaulois » ne se désignaient pas eux-mêmes par ce terme. L’appellation « Gaulois » (en latin Galli) est une dénomination romaine utilisée pour désigner les populations celtiques vivant dans les régions correspondant approximativement à la France actuelle, la Belgique, le Luxembourg et une partie de la Suisse.
Selon Jules César, dans ses Commentaires sur la Guerre des Gaules, les habitants de la Gaule se désignaient eux-mêmes comme “Celtes” (Celtae en latin). Ce terme est également attesté dans des sources grecques antérieures, comme chez Hécatée de Milet au VIe siècle av. J.-C., qui mentionne les Keltoï, et chez Hérodote au Ve siècle av. J.-C., qui situe les Keltoi près de la source du Danube.
En réalité, ces peuples s’identifiaient principalement par le nom de leur tribu ou de leur peuple spécifique, tels que les Arvernes, les Éduens, les Leuques ou les Médiomatriques. Ainsi, l’idée d’une identité unifiée sous le nom de “Gaulois” est une construction postérieure, principalement issue de la perspective romaine et de l’historiographie ultérieure.

Comment les Gaulois vivaient-ils au quotidien ?
Les peuples de Gaule ne vivaient pas dans des habitations précaires. Loin de l’image de la simple hutte en torchis, les fermes gauloises affichaient des constructions solides, souvent rectangulaires, de 20 à 60 m². Ces bâtiments reposaient sur des poteaux en bois et leurs parois en torchis s’appuyaient sur une armature de clayonnage, parfois renforcée de métal. Les toits, faits de chaume ou de roseaux, présentaient une pente marquée afin de faciliter l’écoulement des eaux de pluie.
Au centre de la maison, un foyer permanent occupait une place centrale. Équipé de chenets et d’un chaudron suspendu, l’ensemble remplissait plusieurs fonctions : il fournissait la lumière, assurait le chauffage, permettait la cuisson des aliments, et diffusait une fumée utile pour éloigner les insectes.
Certaines fermes disposaient aussi de palissades défensives, de silos et de greniers sur pilotis. Ces installations servaient à stocker les récoltes à l’abri de l’humidité et des animaux. Elles témoignent d’un mode de vie structuré, basé sur une agriculture performante et sur une gestion rigoureuse des ressources.

Torchis
Un mélange de terre grasse argileuse, de chaux et de fibres végétales et éventuellement animales.
Clayonnage
Une armature en métal qui permet de maintenir ou rigidifier le mur.
Chenets
Par paire, il supporte les buches qui alimentent le feu.
Quelle était l’économie agricole et artisanale des Gaulois ?
Les Gaulois associaient l’élevage mixte à la culture céréalière. Ils semaient épeautre, millet ou blé dans des champs bien délimités. Leurs bâtiments agricoles, souvent vastes, atteignaient en moyenne 22 mètres de long pour 12,50 mètres de large.
Dans ces fermes, les paysans ne se limitaient pas au travail de la terre. Ils développaient aussi de petits ateliers artisanaux : forge du fer, tournage de poteries, vannerie, mais aussi travail du bronze et de l’or pour façonner parures et bijoux. Ces productions reflètent un savoir-faire solide et une métallurgie fine, reconnue et estimée au sein de la société gauloise.
Parmi les outils mis au point dans ce monde rural, le tonneau en bois, utilisé pour stocker les liquides, et la charrue à soc en fer, se sont diffusés bien au-delà de leur aire d’origine. Ces deux innovations, souvent attribuées aux Bituriges (un peuple établi entre la Loire et le Massif central) ont traversé les siècles et influencé durablement l’Antiquité tardive, du IIIe au VIIe siècle.

Comment fonctionnait le commerce et les échanges ?
Les communautés gauloises jouaient un rôle actif dans l’économie de leur territoire. Elles se rendaient régulièrement sur les marchés locaux et lors des grandes foires saisonnières (appelées samianes) où circulaient denrées agricoles, céramiques, textiles ou objets métalliques.
Loin de toute idée d’isolement, certains groupes exportaient huile, vin ou poteries vers le sud et au-delà des Alpes. En retour, ils recevaient des vins italiques, des amphores ou encore des verreries, acheminés grâce à un réseau d’échanges fluviaux (via la Seine, la Loire, le Rhône par exemple) et maritimes. Cette vitalité commerciale s’oppose à l’image persistante d’un peuple barbare et refermé sur lui-même.
Les oppida, grandes agglomérations fortifiées, jouaient un rôle central. Elles servaient de centres commerciaux et artisanaux, regroupant ateliers de dinanderie, bijouterie, cordonnerie. Par exemple, l’oppidum de Corent, près de Clermont-Ferrand, était un centre politique et économique majeur. Il comprenait une place de marché, un théâtre en bois, et des monuments influencés par l’architecture gréco-romaine.

Dinanderie
Fabrication d’objets en cuivre jaune ou en laiton.
Quel rôle jouait le druide dans la société gauloise ?
Les druides occupaient une place centrale dans la société celte. À la fois prêtres, magistrats et enseignants, ils jouaient surtout leur rôle auprès des élites, et mêlaient fonctions spirituelles, juridiques et éducatives.
Ils présidaient aux grandes fêtes du calendrier celtique, comme Samain ou Beltaine, rythmaient les rituels saisonniers. Ils y procédaient à des sacrifices végétaux ou animaux. Le droit et le culte étaient étroitement liés, et les druides rendaient la justice dans un cadre sacré.
Contrairement aux représentations populaires, aucune “potion magique” n’a été retrouvée lors des fouilles archéologiques. Ce que l’on sait de leur formation témoigne d’un long enseignement, entièrement oral, et qui pouvait durer jusqu’à vingt ans. Ils mémorisaient mythes, lois et récits sans les écrire, conformément à une tradition méfiante envers l’écrit.
Dispensés d’impôts et du service militaire, les druides circulaient entre différentes écoles, en Gaule comme en Bretagne, pour transmettre leur savoir. Ils contribuaient de ce fait à maintenir vivante la culture et la mémoire des peuples celtes.
Quel était le rôle et le statut des femmes gauloises ?
Dans la société gauloise, les femmes pouvaient occuper des fonctions élevées. Des tombes princières, comme celles de Bad Dürkheim ou de Vix, attestent la présence de figures féminines puissantes, inhumées avec des chars et des objets précieux (signes clairs d’un statut d’élite). Certaines exerçaient même des responsabilités judiciaires : Plutarque évoque la présence d’arbitres féminines en Gaule cisalpine. D’autres participaient aux cultes et aux pratiques druidiques.
Avec l’expansion romaine, leur autonomie légale recula progressivement. Mais jusqu’au Ier siècle avant notre ère, les fouilles archéologiques montrent qu’elles conservaient une place active dans l’économie domestique et dans la gestion des familles.
Comment étaient choisis les chefs gaulois ?
Les décisions politiques reposaient souvent sur un conseil d’aristocrates guerriers. Chez les Éduens, un magistrat appelé vergobret était élu chaque année pour exercer le pouvoir civil et judiciaire, sous l’autorité morale des druides.
Ce système électif, non héréditaire, visait à alterner les responsabilités au sein des élites. Il montre un niveau d’organisation politique souvent méconnu.
Selon Jules César, les druides se réunissaient chaque année dans une forêt sacrée située au cœur de la Gaule, probablement chez les Carnutes. Cette assemblée jouait un rôle central dans la résolution des conflits entre peuples et dans la transmission du savoir.
Quels rites funéraires pratiquaient les Gaulois ?
Jusqu’au Ve siècle av. J.-C., les Gaulois enterraient leurs morts dans des fosses rectangulaires, le corps allongé sur le dos, face au ciel. Les tombes les plus riches étaient parfois recouvertes d’un tumulus ou accompagnées d’un char, symbole de pouvoir pour les élites.
À partir du IIIe siècle av. J.-C., l’incinération devint majoritaire. Les os calcinés étaient déposés dans des urnes ou des fosses, souvent accompagnés de restes de repas ou de vaisselle brisée, en guise d’offrande pour l’au-delà.
Plus récemment, treize sépultures en position assise découvertes à Dijon ont mis en lumière des pratiques plus atypiques. Elles témoignent de traditions locales variées et de l’évolution continue des rites funéraires gaulois jusqu’à l’époque gallo-romaine.